Alerte au "singlish", un jargon néfaste à la prospérité Le brassage de population qui a fait le développement de la cité-Etat a produit un microlangage. Les Singapouriens risquent-ils de ne plus se faire comprendre ? Far Eastern Economic Review Hong Kong : QUOTE De Singapour Pas facile garder petite amie, savez. Comme on fait du riz sauté. Doit mettre le char siew, l'oignon, l'oeuf, tout bien mélanger. Feu faut pas trop chaud e... See more Alerte au "singlish", un jargon néfaste à la prospérité Le brassage de population qui a fait le développement de la cité-Etat a produit un microlangage. Les Singapouriens risquent-ils de ne plus se faire comprendre ? Far Eastern Economic Review Hong Kong : QUOTE De Singapour Pas facile garder petite amie, savez. Comme on fait du riz sauté. Doit mettre le char siew, l'oignon, l'oeuf, tout bien mélanger. Feu faut pas trop chaud et faut frire tout le temps. Sinon, amour brûler, c'est sûr. Chao ta." Manifestement, le caporal Ong Ah Beng, qui prononçait ces paroles dans la pièce Army Daze , n'avait pas son pareil pour parler d'amour. Vers la fin des années 80, ce caporal de fiction expliquait ainsi aux Singapouriens, dans le langage de la rue, comment régler leurs problèmes de couple. Une décennie plus tard, l'enthousiasme a largement fait place à l'inquiétude. Enseignants et responsables politiques craignent que le "singlish", jargon parlé par Ong et - il faut bien le dire - par presque tous les habitants de Singapour, ne fasse baisser le niveau en anglais et ne nuise à la compétitivité de l'île. Pour beaucoup, le singlish, improbable mélange d'anglais, de malais, de mandarin et de divers dialectes chinois, n'est plus une affaire à traiter à la légère. un melting-pot linguistique extraordinaire La question est devenue d'actualité au lendemain de la crise asiatique, lorsque Singapour est apparu particulièrement vulnérable à la mondialisation. Tout d'abord, l'influent quotidien anglophone The Strait Times a publié un article dénonçant la dégradation de l'enseignement de la langue de Shakespeare dans le système scolaire de la cité-Etat. Le ministère de l'Education a ensuite reconnu la gravité du problème et s'est engagé à envoyer 8 000 professeurs pour assurer des cours de rattrapage en anglais. Enfin, à la mi-août, le "fondateur" du pays, l'ancien Premier ministre Lee Kuan Yew, a consacré une bonne partie de la fête nationale à ce dossier. Dans son discours, il a rappelé que la réussite de Singapour dans une économie planétaire supposait qu'on décourage activement le singlish. "Nous apprenons l'anglais pour pouvoir comprendre le reste du monde et être compris du reste du monde, a-t-il déclaré. D'où l'importance de parler et d'écrire dans un anglais correct. Plus les médias contribuent à diffuser le singlish, notamment en le popularisant dans des émissions de télévision, plus nous faisons croire aux gens qu'ils peuvent s'en sortir avec le singlish." On peut aimer ou détester le singlish, tout dépend des circonstances. "Bien entendu, nous le parlons entre nous", note Peter Tan, un ingénieur d'une quarantaine d'années, qui a un enfant à l'école primaire. "Il n'en reste pas moins que c'est du mauvais anglais." Ce n'est pas l'avis de Catherine Lim, une éminente romancière de Singapour. "J'ai besoin du singlish pour exprimer des sentiments singapouriens, souligne-t-elle. Si je parle avec mes amis, je n'emploie pas l'anglais colonial : j'aurais l'impression d'être en porte-à-faux." Tan assure que le niveau d'anglais est en baisse et que les médias donnent le mauvais exemple. Et il brocarde l'émission Phua Chu Kang, qui a popularisé nombre d'expressions singlish. Pour répondre à ses détracteurs, le principal réseau de télévision de l'île, Television Corp. of Singapore, a annoncé que le personnage principal de Phua Chu Kang , un Singapourien volubile et caustique, allait "surveiller son langage" . Par ailleurs, la nouvelle émission prévue pour l'année prochaine n'utilisera que l'anglais standard. Pour une bonne part, les problèmes d'image du singlish tirent leur origine de l'histoire ethnique et linguistique de Singapour. Depuis près de deux siècles, l'île a été un creuset d'immigrants, et l'anglais y est devenu la langue des échanges commerciaux sous la domination britannique. A mesure que le pays s'acheminait vers l'autonomie [qu'il a obtenue en 1959], puis vers l'indépendance [en 1965], ses dirigeants ont continué à promouvoir la langue de Shakespeare, garant de la survie économique de Singapour. Mais, dans la rue, tous les mélanges bilingues ou multilingues avaient libre cours - des parents parlant des dialectes chinois, le malais ou le tamoul ; des écoles enseignant l'anglais et le mandarin ; des amis venant de divers horizons ethniques. Le melting-pot linguistique a ainsi donné lieu à un pidgin-english [mélange d'anglais et de chinois] mêlant des expressions anglaises et des structures de phrases empruntées au chinois, le tout émaillé de mots hokkien [dialecte de la province chinoise du Fujian, origine majoritaire des Chinois de Singapour] et malais. Tout le monde savait que la réussite en affaires passait par l'anglais correct, mais nombreux sont ceux qui ont adopté ce pidgin comme une expression d'identité nationale - et même comme un trait d'union entre les divers groupes ethniques dont se compose Singapour. "On en tire un sentiment d'appartenance, une sorte de notion de famille", explique le dramaturge Michael Chiang, auteur d' Army Daze . le singlish restera la langue de la rue La capacité d'adaptation est aussi l'une des forces du singlish, encore en pleine évolution. Les Singapouriens trentenaires sont stupéfaits de la vitesse à laquelle entrent dans le lexique les mots nouveaux, souvent liés à l'expérience d'Internet qu'ont les jeunes. La créativité du singlish est également notable. Pour dire à quelqu'un qu'il est confus, on le traite de blur (mot anglais signifiant "tache floue") ou de sotong (mot malais désignant le calamar) - ou on utilise ces deux mots. Quelle que soit l'issue du débat, il est clair que le singlish est la langue de la rue. Pour s'en convaincre, il suffit d'appeler Television Corp. of Singapore et de demander Gurmit Singh. On vous répond : "Gurmit Singh, is it ?" Oui, Gurmit Singh. "OK, can" [c'est-à-dire "OK, peux"], répond la standardiste, avant de vous mettre en communication avec la vedette de Phua Chu Kang . Du singlish tel qu'on le parle, sous sa forme la plus succincte. Ben Dolven Unquote Pour moi c'est du Pidgin - le même qu'à Hong Kong ou à Shangaï... Rien de nouveau donc... ▲ Collapse | |