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Off topic: La douleur d’être immobile
Thread poster: Narasimhan Raghavan
Narasimhan Raghavan
Narasimhan Raghavan  Identity Verified
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In memoriam
Apr 1, 2004

Par un coup de sérendipité, j'ai trouvé ces lignes suivantes. (J'ai voulu savoir ce que veut dire "d'ores et déjà" en anglais. Le GDT dit laconiquement "Aucune fiches pour d'ores et déjà". Incroyable n'est-ce pas? J'ai donc consulté le Google français). Je les trouve très bouleversantes parce que très vivantes. Je m'excuse d'avance de vo... See more
Par un coup de sérendipité, j'ai trouvé ces lignes suivantes. (J'ai voulu savoir ce que veut dire "d'ores et déjà" en anglais. Le GDT dit laconiquement "Aucune fiches pour d'ores et déjà". Incroyable n'est-ce pas? J'ai donc consulté le Google français). Je les trouve très bouleversantes parce que très vivantes. Je m'excuse d'avance de vous déranger avec tout ça.
Voir: http://www.rqasf.qc.ca/sp/sp08_05.html

"D’ORES ET DÉJÀ
La douleur d’être immobile
par Anne-Marie Alonzo
Poète, auteure et éditrice

Handicapée quadriplégique à la suite d’un accident de voiture.
Presque rien, une idée, un souffle, un geste interrompu et tout saute.
Adieu bras, jambes, colonne vertébrale. Te voici intronisée. Dauphine de quatorze ans. Orpheline de corps. D’ores et déjà.
Ceci est ton histoire. La vie, l’accident, l’immobilité. Point final. Brève histoire de mouvement, très courte histoire.
Certaines diront : vivre ainsi n’est plus vivre.
Certaines le diront et elles auront raison. Vivre handicapée n’est pas vivre, n’est pas une vie.
Pas une vraie vie, une vie douce de toutes les douceurs inventées, une vie bonne et large, une vie souple et joyeuse, une grande vie.
Vivre handicapée n’est pas vivre. Certaines le savent déjà.
Entamée dans la douleur, par la douleur surtout, la vie handicapée essouffle, épuise, éreinte. Toute seconde exige le sang. Souffre et tu sauras ce que vivre veut dire. Souffre et tu seras graciée.
Souffre encore sans jamais te plaindre ô toi femme, fille, fillette, jeune femme, épouse, amante, mère, grand-mère, arrière-grand-mère.
Le mal est là, réel, puissant, fidèle, têtu, farouchement malsain. Le mal est là, courtisant sa proie, exigeant son dû. Et tu paies, chère petite, pour chaque seconde de plus, tu paies, tu souris, tu dis merci et tu continues.
La vie c’est cela.
La mort c’est aussi cela.
Mais toi tu veux vivre, tu ne sais rien faire d’autre, tu veux vivre absolument, résolument, tu es forte dis-tu, tu tiens le coup, tu résistes, il n’y a pas que les bien-portants, il n’y a pas que les hommes, il n’y a pas que les autres, il y a ta guerre à toi, ta chaise électrique, ta chambre à gaz, ta salle de torture, ton camp de concentration privé, il y a ton calvaire et ton golgotha, ton chemin de croix taillé sur mesure, il y a ton apocalypse quotidienne et tu sais que tu pleures sur toi toute seule, tu pleures et tu ris sur toi puisque tu es seule, cette fois encore, à rire et à pleurer devant ce corps qui te lâche un peu mieux chaque jour, tu ris et tu crèves devant Dieu et devant les autres.
Tu ne demandes rien, tu n’attends rien, tu te débrouilles, tu fais mieux que cela, tu te bats, tu te débats, tu fonces, tu griffes, tu déchires et tu cognes, tu n’es pas une victime dis-tu!
Tu cries pour faire peur, tu craches, tu gifles, frapper ne te fait pas plus mal, le sang n’accentue pas tes blessures, la fièvre ne te donne pas moins de sueurs froides, tes poings ne sont pas moins douloureux.
Tu es la douleur incarnée, crucifiée depuis les siècles des siècles.
Tu ne tiens pas de journal de bord, tout est là, bien en vue, une chaise noir-et-chrome, un siège, un dossier, des appuie-bras, des appuie-pieds, un coussin gonflable, quatre roues motrices, un bras de conduite, six vitesses, un klaxon, deux moteurs (un pour les roues de gauche, un pour celles de droite), deux batteries douze volts, un insigne CAA...
De quoi te plains-tu, ma reine, tu roules en carrosse, tu règnes sur un royaume – déchu soit mais royaume tout de même -, tu es ton seul sujet, tu te donnes des ordres de vivre, tu t’écoutes et tu t’obéis, tu essayes, tu t’acharnes, tu échoues, tu recommences, tu ne réussis pas à réussir, tu abdiques alors mais ton trône reste vide inoccupé, tu es élue à vie, personne ne tient à te succéder, non vraiment.
Tu t’entêtes, tu déclines, tu dis : débrouillez-vous, ne m’obligez à rien, tu n’as plus la force de lutter, tu ne réponds plus au numéro que l’on a composé.
Tu ne réponds de rien, ta patience a des limites, tes limites ont aussi des limites, tu te retiens de hurler la nuit de peur de mourir de douleur et tu meurs pourtant à chaque seconde qui passe, ton coeur sursaute, ton esprit s’agite, tes nerfs s’inquiètent, tes mains, tes doigts, tes pieds, tout ton corps frissonne.
Tu as mal!
Tu as mal, ton coeur, ton âme, ta chair, ton sang, tes os se figent, tu es morte depuis toujours, tu es morte! que l’on te mette en terre.
Que l’on t’enterre, le reste suivra, les cris, les larmes et les grincements de dents, tu veux aussi savoir qui viendra à l’enterrement et, s’il y aura du monde.
Ci-gît la femme-douleur-en-couleur, l’infâme motorisée, celle qui vécut de chantage et de roueries, celle qui nous fit marcher au doigt et à l’oeil, celle qui nous garda debout pour travailler, debout pour manger, debout pour fumer, debout pour bavarder, ci-gît le tyran-à-roulettes.
Tu ne meurs pas pourtant.
Tu vis sans vivre.
Tu es handicapée.
Seulement cela.
Mais à choisir entre tous les handicaps possibles et à venir, aucun ne semble compatible à l’immobilité, aucun ne te sied aussi bien, aucun ne te rehausse autant le teint, aucun ne te moule autant la jambe ni ne met autant en valeur ton corps, tes bras, ta nuque ou ton port de tête.
À tout prendre, tu prends ce qui t’est donné, à tout prendre tu prends tout.
La chaise bien entendu et la douleur, la chaise et les blessures - aux pieds, aux fesses, au dos, aux coudes (on te nommera "la nouvelle Jésuse") - la chaise et les malaises, la chaise et l’inconfort, la chaise et la tristesse, la chaise et la terreur, la chaise et la douleur, la chaise et la folie.
Quatre bonnes dépressions, trois tentatives de suicide, la drogue, l’alcool, le sexe, quelques crises d’autisme, un ulcère, des nausées, des vomissements, des infections de tous genres, une moyenne de cinq ans dans les hôpitaux, une moyenne de vingt ans en psychothérapie, d’innombrables appels à Tel-Aide, l’école, l’Université, les bars, les restaurants, la drague, les amies, les amours, les vacances, les voyages, le travail, la carrière.
Tu n’as pas encore sombré."
"Sans Préjudice... pour la santé des femmes - Édition spéciale- numéro 8 "
Salutations,
N.Raghavan
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Jean-Luc Dumont
Jean-Luc Dumont  Identity Verified
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Douloureux Apr 1, 2004

Merci Narasimhan

Je recommande la lecture du texte au lien ci-dessous :

"Vivre en étant handicapé moteur est toujours quelque chose de douloureux. Le
handicap constitue une blessure du corps et de l’esprit qui se cicatrise plus
ou moins bien et qui, selon les personnes, les circonstances, les situations, le mi-
lieu matériel et humain dans lequel nous pouvons être amenés à évoluer, peut se
remettre à saigner plus ou moins abondamment.
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Merci Narasimhan

Je recommande la lecture du texte au lien ci-dessous :

"Vivre en étant handicapé moteur est toujours quelque chose de douloureux. Le
handicap constitue une blessure du corps et de l’esprit qui se cicatrise plus
ou moins bien et qui, selon les personnes, les circonstances, les situations, le mi-
lieu matériel et humain dans lequel nous pouvons être amenés à évoluer, peut se
remettre à saigner plus ou moins abondamment. Notre corps étant le premier
signe et le premier médiateur de notre présence au monde et aux autres, il est évi-
dent que toute altération des fonctions motrices et de l’harmonie de cet « organe
du possible » va avoir des conséquences très importantes dans notre vie. Cela va
influer sur notre manière d’être, notre façon d’habiter notre corps et de le consi-
dérer, de ressentir les situations. Cette rupture biologique va aussi avoir des inci-
dences sur notre manière de nous installer dans un environnement humain et d’être reconnu par les autres comme un sujet détenteur d’humanité.

[...]
La reconnaissance du sujet handicapé par lui-même et par les autres est un long cheminement qui demande beaucoup d’énergie physique et psychique car la souffrance passagère ou constante nous éprouve et nous rend parfois indisponible à autrui. Pour vivre, nous devons toujours nous situer dans les registres d’assistance partielle ou totale, de compensation, de stratégies de contournement, qui ne sont pas forcément naturels et spontanés pour tout un chacun. L’incertitude qui enveloppe toute notre vie est quelquefois un facteur de démobilisation."

http://66.102.7.104/search?q=cache:Ofev0KdEtwgJ:www.apf-moteurline.org/aspetsmedicaux/dmsh/aspects_psycho/hpavivre_ptvuelapersonnehp_JPC_61-69.pdf%20vivre%20handicapé&hl=en&ie=UTF-8

même chose en pdf

http://www.apf-moteurline.org/aspetsmedicaux/dmsh/aspects_psycho/hpavivre_ptvuelapersonnehp_JPC_61-69.pdf.

Ce qui compte aussi c'est le respect, la reconnaissance, pas l'indifférence ni la pitié, par les uns et les autres ; que les municipalités et responsables politiques - dans les pays et endroits qui en ont les moyens, prennent les décisions pour faciliter les déplacements des handicapés - aménagement des transports publics, trottoirs, accès aux bâtiments - pour éviter l'isolement et le repli sur soi... déjà si "tentant"...

JL



[Edited at 2004-04-01 06:09]
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Claudia Iglesias
Claudia Iglesias  Identity Verified
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Merci Raghavan Apr 1, 2004

de nous faire y penser.

Est-ce que finalement tu as su comment dire "d'ores et déjà" en anglais ?


 
Martine Etienne
Martine Etienne  Identity Verified
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Un coup de poing....directement Apr 1, 2004

dans le coeur. Voilà l'effet que m'a fait ton document. Je cotoye deux fois par semaine des handicapés physiques et mentaux dans le cadre de cours d'hypothérapie. Certains (surtout les handicapés mentaux) ont l'air heureux de faire du cheval, d'avoir un ami. Pour d'autres, les autistes, le contact avec le cheval est parfois plus aisé qu'avec l'adulte, la texture du poil, la douceur, la chaleur adoucit leur angoisse. Je pense à certains accidentés de la vie qui ont connu la vie d'avant et ... See more
dans le coeur. Voilà l'effet que m'a fait ton document. Je cotoye deux fois par semaine des handicapés physiques et mentaux dans le cadre de cours d'hypothérapie. Certains (surtout les handicapés mentaux) ont l'air heureux de faire du cheval, d'avoir un ami. Pour d'autres, les autistes, le contact avec le cheval est parfois plus aisé qu'avec l'adulte, la texture du poil, la douceur, la chaleur adoucit leur angoisse. Je pense à certains accidentés de la vie qui ont connu la vie d'avant et je suis quelque part contente d'avoir lu ce témoignage car il matérialise la révolte, le désespoir que je sens souvent sous leur sourire.
Cela m'incite à citer Jean de la Bruyère "Il faut rire d'être heureux de peur de mourir sans avoir ri".
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co.libri (X)
co.libri (X)
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Ne t'excuse pas Apr 3, 2004

bien au contraire, je crois que de telles lectures ou rencontres avec ces personnes touchées par le handicap sont essentielles pour rappeler à ceux qui sont bien portants ce qui est essentiel dans la vie.
Et la citation de Martine vient à point nommé.

Amicalement. Bon samedi indien

Hélène.

[Edited at 2004-04-03 12:38]


 
Jean-Marie Le Ray
Jean-Marie Le Ray  Identity Verified
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Sans commentaires Feb 1, 2005

http://www.liberation.fr/page.php?Article=272081

Ciao, Jean-Marie

P.S. Quelques heures après avoir posté le lien ci-dessus

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=12&subid=179&art_id=204319


[Edited at 2005-02-01
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http://www.liberation.fr/page.php?Article=272081

Ciao, Jean-Marie

P.S. Quelques heures après avoir posté le lien ci-dessus

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=12&subid=179&art_id=204319


[Edited at 2005-02-01 13:15]
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La douleur d’être immobile






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